L'ATELIER
LATELIER [ latelié] n.f. – 1900tranquille... du fr. « atelier » * 1. Endroit désigné comme lieu de création. Bâtiment où se transforme la matière première, « aller à shop » 2. Embryon d'où émerge la création, lieu souvent plus sale que la maison, parfois chaotique, où un artisan peut exprimer son plein potentiel...
Autrefois, quand ma bécane était une moto et les balais des chevaux, j'arpentais le village à grand coup de dehors pour aller découvrir l'esprit d'aventure qui dormait dans mes viscères. J'étais curieux et inventif. Devant l'austère Collège Bourget au pied de la colline, une petite maison de bois bien naïve, sans apparat ni artifice, tenait la garde d'un hangar qui m'intriguait plus que n'importe quel château de n'importe quel royaume. Bordé par la pruche et l'épinette pleureuse, encerclé d'un muret de pierres aux airs moyenâgeux, ce hangar couvait le projet de ma vie sans que je le sache encore. Un quart de siècle plus tard, un homme fascinant allait me fournir une des clés pour déverrouiller la porte de mon rêve le plus cher : avoir un atelier d'ébénisterie.
Michel Faubert avait roulé sa bosse comme conteur. Il était descendu souvent dans les sous-sols du patrimoine pour collecter de la tradition orale. Moi et lui on est devenus amis presque instantanément. Bien assez tôt, il m'invita chez lui au pied de la colline dans une petite maison de bois qu'il venait d'acheter, assise sagement dans l'ombre du Collège. Cette journée-là, j'ai pu faire grincer les vieux gonds de la porte du hangar pour la première fois. Une véritable caverne aux trésors remplie d'un héritage inutile et beau de vieillerie dormante.
Le temps et les circonstances ont mis en place un contexte qui ne s'invente pas. Le grand Faubert d'Amérique, sollicité par de nouveaux chemins de traverse, me céda quelques années plus tard sa petite maison de bois pour que j'y loge mes rêves. Les siens avaient pris racine ici même 30 ans auparavant quand, bien timidement, il était venu cogner à la porte pour entendre mille chants anciens contenus dans un petit bout de femme nommée Marie-Rose. Il s'était inventé ici. Aujourd'hui, il m'a passé le flambeau et c'est à mon tour de m'inventer ici.
Dans ce hangar centenaire qui chatouillait jadis l'imaginaire du gamin en moi, j'ai déposé mes pénates. On raconte qu'un peintre a vécu et créé des fresques d'aquarelles sublimes ici, que l’organiste de l’église a habité la maison au début du siècle dernier, qu'il s'est chanté des poèmes de Miron sur la pelouse près du hangar, qu'un harmonium à soufflet a porté la voix de Pierre Flynn un dimanche ensoleillé du mois de juin. Il flotte dans l’air de ce petit domaine un truc qui ne s'explique pas, quelque chose qui force la création, des épisodes de vie qui laissent des traces dans les frondaisons. Michel a mis les fantômes dans des pots Masson avant de partir puis les a jetés aux poubelles. Il a pavé la voie pour que je puisse créer tranquille.
Mon atelier est mon sanctuaire!